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Texte de Marie Rongier

C’ÉTAIT UN TOUT PETIT VILLAGE

  

Ce coin de terre me sourit... (Horace)

 

Voilà - C'était un tout petit village

qui souriait - bien sage - au bord de l'eau

avec des grâces... et des couleurs d'image...

et des fumées réveuses à ses toits...

et des marins pensifs... et des bateaux...

et du sonore sonore et doux patois...

 

et quelque chose d'impalpable et tendre

qui exhalait des pensées de berceau...

et qui venait avec la main vous prendre...

et vous obligeait presque à vous étendre...

à déposer à terre tous vos fardeaux

et à rester... plus simple... en son repos...

 

et vous restiez... et vous vous sentiez bien...

parmi toutes ces choses qui chantaient...

et qui berçaient...berçaient... berçaient... berçaient...

avec un bercement gentil de mère...

qui - pour ne pas que son enfant s'en aille...

entre ses bras calinement le serre...

 

Ah c'était doux ! ... et c'était fort aussi !...

Ça vous plantait au coeur sa vérité...

et ses naïves et campagnardes grâces...

qui agissaient par leur simplicité...

et n'étaient rien pourtant - qu'un peu de brise...

un son de cloche au clocher de l'église...

 

les pas trainants d'un âne allant au pré

avec son lourd chainon ferré qui suit...

et suit... et suit... et suit... raclant la terre

d'un bruit rapeux et sec et régulier

de trainassante chose par derrière

que l'on entend encore longtemps après...

 

Un doux parfum qui vous venait de l'air...

avec des tièdeurs saines de résine

de terre chauffée... de bruyère et d'ajonc

où se mêlaient des feuilles... des racines...

et l'âpre sel du vent de mer parfois...

et le varech... et l'huitre... et le poisson...

 

C'était un lourd troupeau de vaches au loin...

qui s'en allait lentement sous les cieux...

avec ses chiens... ses bergers... ses sonnailles...

ses jeunes veaux traînants... et ses taureaux...

dans un poudroiement d'or et de poussière...

laissant dans l'air comme un vibrant émoi...

longtemps encore après qu'il n'est plus là...

 

C'était... un vert sentier... un cri d'oiseau...

l'eau claire qui sinuait dans le ruisseau...

l'écho sonore des femmes au lavoir...

battant le linge à grands coups de battoirs...

 

le petit clos où demeurait Jeannette...

la bonne odeur du pain de Félicien...

et sa cuisine... et ses pichets vernis...

et son bon feu de bois qui pétillait...

où s'en venaient se chauffer les voisines

en tricottant un bas de grosse laine...

 

C'était aussi les enfants de l'école

qui trainaillaient tous rougeauds sur la route

et vous disaient un bonjour bien poli...

et le facteur qu'on attendait aux portes...

la boulangère qui passait en voiture...

le curé... le docteur... qui saluaient chacun...

 

et le soleil de Dieu... sa douce flamme...

la joie de l'air... qui brillaient là-dessus...

et vous entraient partout et vous portaient...

et vous berçaient... berçaient... et vous chantaient

un de ces chants qu'on oublie jamais plus...

car ils n'ont pas de mot... mais beaucoup d'âme...

 

Ah c'était doux !... et fort et fort aussi !

et quand ça vous avait bien pris le coeur

ça le gardait !... et - où que vous alliez

même très loin... même au bout de la terre

toujours toujours... vous l'entendiez ce chant...

toujours toujours... ce même bercement...

 

toujours toujours... ce tout petit village

avec ses grâces... et ses couleurs d'image...

et ses fumées rêveuses à ses toits...

et ses marins pensifs... et ses bateaux...

et son sonore sonore et doux patois...

en souriant... passait devant vos yeux...

en souriant...

passait devant vos yeux...

 

                                                            Marie Rongier